Cette publicité d’Esso en faveur du développement des infrastructures routières en 1950 résume bien le développement des lieux de culture en-dehors de Bruxelles dans l’après-guerre.
Comme nous venons de le voir, les populations se sont rapidement éloignées du centre-ville bruxellois en privilégiant les quartiers aérés et la campagne, et celle-ci est peu à peu devenue ce vaste territoire d’urbanisation dispersée et peu dense que nous connaissons.
Comme dans d’autres pays européens, le développement de l’État providence et la recherche d’une société plus égalitaire, où le bien-être individuel et collectif est au centre des préoccupations, menèrent en Belgique à des processus de démocratisation, y compris dans le champ de la culture.
Rendre la culture accessible à tout un chacun – les activités culturelles étant jusqu’alors l’apanage d’une élite – se traduisit dans le développement d’un nouveau type d’infrastructure publique, destinée à « amener la culture au peuple » : les centres culturels. Comme les centres urbains étaient plus ou moins bien équipés en infrastructures culturelles – spécifiquement Bruxelles qui en tant que capitale avait été le lieu d’une centralisation des institutions culturelles nationales –, les centres culturels furent décentralisés à travers le territoire national, suivant par là la tendance « anti-urbaine » de dispersion des populations qu’ils étaient appelés à servir hors des centres urbains.
De nombreux centres culturels furent ainsi édifiés autour de la capitale (voir carte). Mais, dans la plupart des cas et au contraire de lieux culturels plus centraux qui avaient été conçus en même temps que l’urbanisation de quartiers urbains, ceux-ci furent ajoutés à une urbanisation déjà morcelée et peu structurée, dans une logique d’accessibilité principalement automobile.
« La construction des centres culturels n’est pas vue comme l’opportunité pour mettre en forme le village ou la ville, ils sont situés là où il y a de la place et là où la croissance des flux de circulation peut avoir lieu tranquillement. Ils sont dès lors situés en-dehors des centralités préexistantes.« (Janina Gosseye et al., Architectuur voor vrijetijdscultuur : Culturele centra, zwembaden en recreatiedomeinen, Leuven, Lannoo Campus, 2011, p. 29.)
« Ces nouvelles infrastructures devaient s’implanter là où l’espace était disponible, c’est à dire dans un parc, sur le pourtour des espaces bâtis. […] Les gens ne passaient pour ainsi dire jamais par là, ils devaient toujours s’y rendre (volontairement), le plus souvent avec l’auto. » (Scheurs, 1992, cité par Paul Vermeulen, « Culturele centra. Een reis door de Nevelstad », Archis, n° 9 (2000), pp. 12-19.)
Cultiver son esprit nécessite alors de bonnes routes et une voiture. Que ce soit pour se rendre au centre culturel le plus proche, ou pour rejoindre les institutions culturelles de la capitale qui voit ses infrastructures de mobilité elles aussi adaptées à l’automobile.
Yannick Vanhaelen
Pour en savoir plus :
Janina Gosseye, Hilde Heynen, André Loeckx, Leen Van Molle, Architectuur voor vrijetijdscultuur : Culturele centra, zwembaden en recreatiedomeinen, Leuven, Lannoo Campus, 2011.
Paul Vermeulen, « Culturele centra. Een reis door de Nevelstad », Archis, n° 9 (2000), pp. 12-19. Voir : lien