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Aménager la halte Centrale

G. Callewaert, Vue perspective du Passage de la Bibliothèque – État futur, Bruxelles, 1912. © Archives de la Ville de Bruxelles – Papiers de Charles Buls, farde n° 19.

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Plan représentant les servitudes panoramiques, Bruxelles, s. d.. © Archives de la Ville de Bruxelles – Papiers de Charles Buls, farde n° 19.

 

La sortie des gares n’est pas le seul lieu déterminant pour construire l’identité visuelle de Bruxelles. De nombreuses discussions ont eu lieu lors des aménagements du Mont des Arts, puis du Passage de la Bibliothèque (fin XIXe siècle), dont l’enjeu était la vision pittoresque que Charles Buls, bourgmestre de Bruxelles (1881-1899), souhaitait préserver. Du mandat de ce « bourgmestre esthète », on retient principalement la défense des arts et du patrimoine bruxellois. Plus d’une fois, Charles Buls se heurta aux volontés modernistes du roi Léopold II. Par ailleurs, les aménagements du Mont des Arts, qui se firent aux dépens du patrimoine, poussèrent Charles Buls à démissionner de son poste. Pour lui, les pignons médiévaux se détachant sur le ciel étaient l’identité même de Bruxelles. D’où l’existence de servitudes panoramiques en divers lieux protégeant les vues sur les beautés de le ville pittoresque.

« Dans nos contrées du Nord, c’est avant tout le tableau pittoresque qui séduit, les rues sinueuses qui réservent des surprises au passant, les pignons dentelés qui atténuent la monotonie de nos ciels brumeux. » (Lucien Solvay, « Notice sur Charles Buls », Bruxelles, Annuaire de l’Académie Royale de Belgique, 1941, p. 11.)

Les perspectives et servitudes panoramiques étaient destinées à s’assurer que, depuis le balcon du Palais Royal, on apercevrait toujours la flèche de l’Hôtel de Ville, témoin précieux du passé. En effet, il s’agissait d’un contrôle des vues depuis l’urbanisme ordonnancé classique de la ville haute, celle du pouvoir national entre le Palais et le Parlement, vers le tissu urbain pittoresque de la Ville de Bruxelles, pouvoir communal. Pour préserver cette perspective sur la flèche de l’Hôtel de Ville, la gare Centrale fut enfouie et sa hauteur limitée notamment en raison de cette servitude de vue inscrite dans une convention depuis 1904.

 

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Le Départ et l’Arrivée de la halte Centrale, Bruxelles, ca. 1936-1938. © Centre de documentation du Musée Horta.

 

Plus tard, les architectes Victor Horta (1861-1947) et Jules Brunfaut (1852-1942) se sont intéressés à la conception interne d’entrée et de sortie de la gare Centrale. La sortie est prévue sur la ville pittoresque, devant les pignons anciens se découpant sur le ciel que célébrait Charles Buls. Pourtant, à cette époque, les gares sont conçues avec de multiples entrées et sorties. Il n’y a donc pas de mise en scène unique : les gares sont même qualifiées de « haltes » car elles constituent des étapes de la jonction plutôt que des gares monumentales avec une imposante façade. Elles sont des arrêts presque souterrains…

Judith le Maire