Dans le courant des XVIIIe et XIXe siècles, l’essor de la pratique de la promenade – ce loisir consistant à se déplacer pour le plaisir – influença de manière significative l’aménagement urbain puisqu’il entraîna la création de nouveaux lieux où primèrent la lenteur du déplacement, le confort du piéton et la qualité de l’espace public. Parcs et jardins, mais aussi places et artères plantées (squares, boulevards, avenues) ainsi que les passages couverts se multiplièrent dans et aux abords des villes. Ces lieux de promenade participèrent au remodelage de la ville et constituèrent progressivement un véritable réseau à l’échelle de la ville. Une première promenade, l’Allée Verte, fut aménagée au début du XVIIIe siècle à la périphérie de la ville, le long du canal, et forma ce qu’on appelait alors un « cours », construit selon un dispositif tripartite avec une allée centrale (carrossable) bordée de deux contre-allées (piétonne et cavalière). Dans les années 1770, l’aménagement du quartier Royal offrit l’opportunité de transformer les anciens jardins du Palais Royal en un parc public (le Parc royal) entouré d’artères dont la trame dialogue avec le plan du parc. Au XIXe siècle, la suppression des fortifications fut l’occasion d’aménager, tout autour de la ville, de vastes promenades publiques en forme de boulevards plantés, reprenant la structure tripartite inaugurée par l’Allée Verte et reprise plus tard par les différentes avenues, à l’exemple de la célèbre avenue Louise qui relie la ville à une nouvelle promenade extra-urbaine : le bois de la Cambre. Au tournant des XIXe et XXe siècles, sous l’impulsion de Léopold II, les parcs se multiplièrent dans les faubourgs (notamment le parc de Laeken, le parc Élisabeth, le parc de Saint-Gilles-Forest, le parc du Cinquantenaire, le parc Josaphat, ou le parc de Woluwe). Sur les places, la mode des squares entraîna la plantation d’arbres (squares Frère-Orban et de Meeûs), transformant parfois des places initialement minérales en espaces verdurisés (place des Martyrs, Nouveau Marché aux Grains). En outre, la pratique de la promenade, comme moyen de concilier divertissement et instruction, donna naissance à des institutions telles que les jardins botaniques et zoologiques. À Bruxelles, le Jardin Botanique et le vaste édifice qui lui est associé furent inaugurés en 1829 le long des boulevards extérieurs. Aux confins du quartier Léopold, la Ville acquit en 1851 un vaste terrain destiné à accueillir un jardin zoologique (emplacement de l’actuel parc Léopold). Dans le centre-ville, l’essor de la pratique du lèche-vitrine – qui transforme l’acte d’achat en une activité de loisir liée à la promenade – aboutit à la construction d’innombrables vitrines commerciales (notamment le long de la rue Neuve et des boulevards centraux) et à l’aménagement de passages couverts (le premier fut le Passage de la Monnaie, 1820, détruit).
Christophe Loir
Pour en savoir plus :
Christophe Loir, « Voir et être vu : les promenades bruxelloises aux XVIIIe et XIXe siècles », dans Bruxelles Patrimoines, n° 6-7 (septembre 2013), pp. 44-61 (numéro spécial Journées du Patrimoine. Région de Bruxelles-Capitale).