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Zwanze et cabarets

Amédée Lynen, Théâtre du Diable au Corps, 1896, Bruxelles, Collections Musée d’Ixelles. © Musée d’Ixelles.

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Ballade à la lune, sérénade italienne [pour voix et piano] / poésie d’Alfred de Musset, musique par Jules Baur ; [ill. d’Amédée Lynen], Bruxelles, Schott Frères [c. 1896], p. 103. © Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, cote Mus. 6.945 C 14.

 

Lieu de sociabilité, point stratégique pour approcher les écrivains, élément intégré à l’image que se construisent les artistes, le café littéraire peut également parfois devenir lieu de création. Le « Diable au Corps », 12 rue aux Choux, en est un bel exemple. Au départ revue satirique fondée en 1893, Le Diable au Corps regroupe écrivains et illustrateurs ricaneurs et fervents de zwanze bruxelloise : Charles Vos, Adolphe Lemesre, Gustave Jonghbeys et le graveur Amédée Lynen en sont les principaux dirigeants. Malgré son humour caustique et ses illustrations raffinées, l’hebdomadaire disparaît en 1895 à cause de problèmes financiers.

Loin de se décourager, l’équipe de rédaction décide de poursuivre ses activités en transformant la maison dans laquelle elle se réunissait alors. Le rez-de-chaussée se voit décoré sur le modèle des vieux cabarets flamands et pourvu d’un poêle de Hollande resté célèbre. Le premier étage est quant à lui transformé en salle de spectacle et de théâtre d’ombres. Le « Diable au Corps » connaît alors un regain d’intérêt et crée sa propre compagnie théâtrale qui organisera plusieurs tournées en Belgique et à l’étranger.

Les activités du « Diable au Corps » cessent progressivement suite à la mort, en 1898, d’Adolphe Lemesre, qui était son moteur principal, et au déménagement de la compagnie de théâtre. Le cabaret attire toutefois toujours autant de Bruxellois, et les étudiants de l’Université libre de Bruxelles, dont plusieurs l’ont élu comme quartier général, y viennent volontiers pour l’ambiance et la bonne bière ainsi que pour la compagnie de Jules Gaspar, son fidèle tenancier à moustaches. Plusieurs groupes littéraires s’y réunissent aussi : Résurrection, périodique expressionniste dirigé par Clément Pansaers, y prend ses quartiers pendant la guerre, et on y retrouve, dans les années vingt, quelques collaborateurs de la revue d’avant-garde radicale Haro !, ainsi que ceux de la plus conservatrice Renaissance d’Occident. En 1929, les travaux d’agrandissement des magasins de l’Innovation conduisent, malgré les nombreuses protestations, à la destruction définitive de l’établissement.

Julie Fäcker

Pour en savoir plus :

Bruxelles – Plaisirs 1900. Théâtres, Cabarets, Zwanze, Les frères Lynen, catalogue d’exposition, Bruxelles, Crédit Communal, 1997.