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Military entertainment

Publicité issue de la revue Wohin in Brüssel, n° 1, 13-19 juin 1941, p. 12. © Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, cote BR B 6093.

 
 

Les recyclages et mutations continuels qui ont marqué les lieux de divertissement concentrés dans certains quartiers du centre-ville de Bruxelles pendant la première moitié du XXe siècle ont connu encore de nouveaux développements à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. À travers des transformations rapides dès 1940, de nouveaux sites de divertissement ouvrent pour cibler la clientèle aux poches remplies, dont, d’abord, les soldats et officiers de l’armée allemande pendant l’Occupation de 1940-1944, puis le personnel des armées alliées, en particulier britanniques et canadiennes, très présentes dans la ville dès sa Libération le 3 septembre 1944 et ce jusqu’en 1946. La toponymie de ces institutions, pourtant gérées par des bruxellois, est très parlante. La période 1940-1944 voit une floraison d’établissements dont les noms se parent des relents du Heimat – « Alpendorp », « Le Tyrol », « Elsässischen Hof », « Lusthof », « Schweizer Hof », « Bei Mutti », ou encore « Bayerischer Hof » – tandis que la Libération voit pousser comme des champignons des « clubs » et autres lieux pour soldats et officiers comme le « Cosy Club », « Navy Club », « The Big Four », « Churostal », « Canada Club », « Maple Leaf », « Victory Club », etc.

On trouve la trace de ces lieux de sortie, parfois bien éphémères, dans les chroniques, calendriers et publicités des périodiques de l’époque, notamment dans ceux destinés aux étrangers présents dans la ville :  Brüsseler Zeitung (journal quotidien d’information, 1940-1944), Wohin in Brüssel (hebdomadaire culturel, 1941-1942), The Brussels Mirror (journal d’information hebdomadaire, 1944-1945) et Program (« for the military man’s entertainment », une version anglaise et adaptée de L’Éventail, l’hebdomadaire culturel publié par le Théâtre royal de la Monnaie, 1944-1945). On peut consulter ces périodiques très rares dans les collections de la Bibliothèque royale de Belgique, du CEGESOMA et des Archives municipales de Bruxelles. Des mémoires de soldats, ou des études autour de ces sources, permettent de mieux connaître ces lieux de divertissement et plus particulièrement ceux caractérisés par la prostitution, phénomène galopant à Bruxelles à cette époque.

Les infrastructures en place (pistes de danse, scènes, etc.) sont conservées et l’on trouve dès lors souvent une suite de mutations typiques des lieux fréquentés par les Belges de l’avant-guerre, les soldats allemands ensuite,  puis les alliés. Par exemple, un salon de thé et salle de danse situé au numéro 49, avenue de la Toison d’or, non loin de la Porte de Namur : ce thé-dancing est dénommé « Scottish Tea Room » en 1939, selon l’Almanach Mertens et Rosez, le lieu est ensuite rebaptisé en « Wiener Teestube » au moment de l’arrivée des Allemands, puis en « Dancing Armenonville » à la Libération, (« His Club, His Bar, Fresh Oysters all day, Jean Delhez Band »). Autre exemple, au numéro 55 du boulevard du Jardin Botanique, proche de la place Rogier et de la gare du Nord avec ses hôtels et ses nombreux lieux de prostitution : dénommé « Atrium » ou « Hôtel Atrium », décrit comme « maison des beaux-arts , expos, salles de fêtes et de réunions » en 1938. Il devient tour à tour le « Soldatenheim-Brüssel » en 1940, « Geöffnet von 10 Uhr bis 23 Uhr », puis le « Café Blighty », haut lieu de socialisation des armées alliées à partir de 1944.

Il y a néanmoins une distinction à faire entre les lieux de sociabilité et de divertissement bruxellois de l’entre-deux-guerres, concentrés principalement autour des grands axes de circulation du centre de Bruxelles et de la périphérie du Pentagone, et un léger infléchissement dans l’implantation des lieux ciblant des forces étrangères entre 1940 et 1946 autour des infrastructures de gouvernance et de pouvoir situées dans les palais, ambassades, sièges ministériels et parlementaires autour du parc et dans le quartier Léopold qui ont été repris comme chefs-lieux par des armées « de passage ».

Christopher Brent Murray

Pour en savoir plus : 

Stan Scott, Fighting With the Commandos, édité par Neil Barber, South Yorkshire, Pen & Sword Books, 2008.

Sean Longden, To The Victor the Spoils : Soldiers Lives From D-Day to VE-Day, London, Constable & Robinson, 2007.